Quelques réflexions sur les abus pédophiles et éphébophiles

Cela fait plusieurs années que je songe à partager quelques réflexions sur un sujet très difficile à aborder pour moi. Je l’ai fait dans un fil Twitter que je paraphraserai dans cet article.

[Avertissement de contenu : abus sexuels, pédophilie, éphébophilie, culture du viol, victim-blaming]

Si vous êtes vous-même survivante d’abus, je vous encourage tout particulièrement à prêter attention aux avertissements de contenu ci-dessus. Si ce n’est pas le bon moment pour lire cet article, ne forcez pas, procédez avec précaution. Il peut être utile de prévoir d’être épaulé·e après la lecture, de planifier une activité qui vous aide à évacuer les émotions que cela aura peut-être remué… Je vous encourage avant toute chose à prendre soin de vous.

Vous vous demandez peut-être pourquoi utiliser “éphébophilie” et ne pas faire comme tout le monde et tout englober dans “pédophilie”. Ce n’est PAS un chipotement sémantique ni une minimisation des abus subis par les ados. C’est parce que les modes de prédation sont différents et qu’il me semble très important que les victimes potentielles ou survivant·e·s aient les mots justes pour comprendre leurs expériences.

En l’occurrence j’ai subi un viol à 12 ans. À l’époque, tout le monde m’en donnait 16 ou 17, absolument personne ne me traitait comme une enfant. Donc j’aurais trouvé absurde de considérer mon agresseur comme pédophile. Visiblement, mon entourage aussi, tout le monde m’a laissé penser que c’était de ma faute et je n’ai compris que 8 ans plus tard que c’était un viol… Avoir accès à des ressources sur les prédateurs éphébophiles aurait pu changer la donne. Bien sûr le problème principal était que j’avais zéro info sur le consentement, la culture du viol, etc. Mais même a posteriori, trouver les mots justes a été d’une grande aide.

Les prédateurs éphébophiles jouent sur le désir de validation et d’indépendance des ados. D’où la rhétorique du type “Tu es si mature pour ton âge”. Et souvent, c’est plus ou moins vrai. Devinez quels ados font souvent bien plus que leur âge en terme de maturité ? Les ados traumatisé·e·s, notamment les parentifié·e·s. Qui ont particulièrement besoin d’être validé·e·s, valorisé·e·s, et d’échapper à leur entourage.

Tout englober dans le terme “pédophilie” ne nous rend pas service. Cela ne fait que culpabiliser et/ou infantiliser les victimes d’abus éphébophiles et les rendre encore plus vulnérables.

Ce fil en parle éloquemment.(Normalement, la fonction “Traduire le tweet” vous permettra d’en comprendre l’essentiel même si vous ne lisez pas l’anglais)

Je parlerai peu des mécanismes spécifiques aux abus pédophiles car je les connais bien moins, mais il y aurait énormément de choses à dire là-dessus, sur l’apologie de la pédophilie dans des grands journaux il n’y a pas si longtemps…

Les abus pédophiles et éphébophiles sont incroyablement banalisés et justifiés. Dans le cas des abus éphébophiles, le justification passe par “la victime n’a pas l’air d’une enfant donc ne peut pas être une victime”. Enfonçons des portes ouvertes :

  • Les ados ne sont ni enfants ni adultes mais peuvent être victimes d’abus quoiqu’il en soit. 
  • La responsabilité des limites ne doit pas reposer sur les mineur·e·s. C’est aux adultes de les poser.

Et pour paraphraser le fil cité précédemment, ne dites pas à un·e ado dans une situation de prédation qu’iel n’est qu’un·e gamin·e impressionnable, car cela ne fera que læ braquer et læ mettre davantage en danger.

Ce n’est pas ce qu’on a envie d’entendre à ce moment-là évidemment, mais surtout ce n’est pas ce qu’on a BESOIN d’entendre pour être en sécurité.

On a surtout besoin de repères sur ce qu’est une relation équilibrée, on a besoin d’infos, on a besoin de ne pas être ridiculisé·e pour nos insécurités, et on a besoin qu’on ne nous encourage pas à spiraler dans la honte.

Être ado c’est avoir la double contrainte de “Tu dois être sexy” mais aussi “Le sexe c’est mal à ton âge” tout ça avec potentiellement une grande curiosité vis-à-vis de la sexualité. Les prédateurices le savent parfaitement et s’en servent. Les ados devraient pouvoir explorer leur sexualité à leur rythme sans être en proie à des rapports de domination par des adultes peu scrupuleux. C’est ok d’être curieux·se de la sexualité et ça ne vous rend coupable de rien en soi.

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J’ai muté le fil Twitter immédiatement après l’avoir écrit, car je sais que même si c’était le bon moment pour l’écrire, je ne suis pas en mesure d’échanger à ce sujet actuellement. C’était suffisamment dur d’écrire à ce sujet, et cela a un prix (des cauchemars la nuit suivante, généralement). Cependant, il me semblait important d’en parler.

Alistair a réagi au fil en écrivant son propre témoignage sur Twitter, dont je vous recommande la lecture.

Si vous êtes en difficulté vis-à-vis de votre propre vécu d’abus, je vous renvoie aux nombreux articles sur le stress post-traumatique, et je vous encourage à oser demander de l’aide. Vous n’êtes pas seul·e 💙

9 réflexions au sujet de « Quelques réflexions sur les abus pédophiles et éphébophiles »

  1. Wow. Enfin des mots, des concepts, un cadre spécifique pour comprendre ce dont je réussissais à parler déjà mais sans vraiment pouvoir le saisir et l’expliquer justement. Le témoignage d’Alistair aussi est précieux. Je suis d’une reconnaissance infinie pour vos témoignages et votre travail de diffusion de notions qui pourtant ravivent en vous le trauma. Merci d’être là, de partager. Et prends soin de toi <3

  2. Bonjour,

    Merci. Cela met des mots sur des choses vécues que je n’arrivais pas bien à identifier. Cela me pousse vers d’autres chemins de réflexions.

  3. Bonjour,

    Je suis, actuellement, au coeur d’une crise, très pénible à traverser, reliée au sujet, ci-haut abordé. Je te remercie, car te lire me fais un bien fou. Certaines personnes ne réalisent pas l’impact, que peut avoir l’utilisation des mots, qu’ils utilisent pour communiquer. Surtout pour une personne neuroatypique, comme moi. Pour moi, ça aura pris des années, avant de comprendre, que j’avais été violée. Car le viol est si souvent représenté, dans la société, comme un acte de violence physique qui laisse des marques visibles et évidentes. Pourtant, dans certains cas (dans mon cas à moi) ça ne s’est pas passé comme ça. J’ai été cette ado qui paraissait plus mature pour son âge, comme tu l’as si bien décrite: Traumatisée, parentifiée, avec ce besoin si fort d’être validée et valorisée. La violence faisait partie de mon quotidien, tout comme l’éphébophilie. J’ai vécue avec les conséquences de viols et d’abus répétées, toutes ma vie: Anxiété, cauchemars, narcolepsie, SPT, trouble de concentration, dépression et la liste est encore longue. Ne réalisant pas qu’ils s’agissaient de viols, je n’ai pas cherché d’aide reliée à cela, jusqu’à tout récemment. Ne sachant pas, ce qu’était l’éphébophilie, je me suis toujours culpabilisée. Jusqu’à présent, je continue souvent, de me dire que c’était de ma faute. Je me dis que je n’étais pas une enfant, j’étais une adolescente. Mais votre article m’a aidé à avoir une meilleure compréhension, de ce que j’ai vécu et surtout de pourquoi, cela m’est arrivé. Ça va m’aider à passer au travers. Mille merci!

    1. Hey,
      C’est un long chemin pour arriver à se déculpabiliser, et il faut souvent des “piqûres de rappel” ! Tous mes encouragements <3

  4. Merci beaucoup pour votre article qui m’apporte beaucoup. C’est un peu difficile à décrire même.
    J’ai des questions à vous poser mais pas en public, y a t’il un fil privé ou qqch comme ça ? Si vous êtes d’accord bien sûr…

  5. Bonjour, cet article fait remonter en moi des interrogations et j’ai une question que j’aimerais vous poser en privé, mais je ne parviens pas à vous envoyer de mail, le lien de la section contact fait apparaître une adresse à laquelle je ne peux pas adresser de mail, est-ce que vous savez comment je peux vous contacter ?

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