Je reçois semi-régulièrement des messages me demandant des conseils au sujet du soin d’un stress post-traumatique complexe (SPT-C, C-PTSD en anglais), et je voulais donc y consacrer un article.
J’ai déjà publié plusieurs articles sur le sujet du SPT-C, que vous pouvez retrouver ici :
- 7 conseils pour soigner un C-PTSD
- C-PTSD : traitement
- PTSD et C-PTSD
- Rappel à propos du rétablissement
- Recommandations de lecture : C-PTSD
- 13 étapes pour gérer les flashbacks
- Symptômes du stress post-traumatique complexe au quotidien
- Les étapes du rétablissement
- Fiche d’information sur le trauma
- Qu’est-ce que l’EMDR ?
Vous pouvez aussi retrouver davantage d’articles au sein de la catégorie d’articles “Stress Post-Traumatique“.
En ce qui concerne les questions que je reçois souvent, j’aimerais répondre à quelques unes d’entre elles. Tout d’abord, à mon regret, je n’ai pas de solution facile à proposer, qui conviendrait à tout le monde, pour soigner un stress post-traumatique. Chaque parcours a ses spécificités, et il n’existe pas une piste de soin qui convienne à tou·tes. En fait, l’un des spécialistes mondiaux du traitement du trauma, Bessel Van Der Kolk, souligne que si quelqu’un prétend avoir un remède universel, ce serait probablement une personne qui cherche à vendre quelque chose et dont il vaut mieux se méfier a priori. Il n’y a tout simplement pas de panacée ; ce qui ne signifie pas qu’il n’existe aucune piste, bien entendu !
Je n’ai pas non plus de recommandations de soignant·es formé·es au stress post-traumatique à communiquer ; je ne pourrais que vous orienter vers des associations locales ou nationales qui ont sans doute davantage d’informations. Me contacter pour trouver un·e soignant·e ne vous fera très probablement pas gagner du temps, surtout vu mon délai moyen de réponse.
Je reçois aussi régulièrement des messages de personnes, souvent d’un âge moyen, qui comprennent (enfin) avoir un stress post-traumatique, et qui ne savent pas par quel bout prendre ces problématiques, par où commencer, et comment se soigner. J’ai beaucoup de compassion pour vous si vous vous trouvez dans cette situation ! Je comprends tout à fait que l’on se sente perdu·e dans ces circonstances. Il m’est apparu qu’un article récapitulant certaines des pistes de soin pouvant être explorées serait sans doute approprié.
Dans son livre Le Corps n’oublie rien, Van Der Kolk mentionne les modalités de soin suivantes, entre autres :
- la thérapie de parole
- l’EMDR
- le yoga
- le neurofeedback guidé
- la boxe
- le théâtre
Comme vous pouvez le constater, c’est varié ! Personnellement, j’ajouterais à cette liste le breathwork, s’il est pratiqué à l’aide de personnes bien formées vis-à-vis du trauma ; je n’ai malheureusement aucune référence à donner chez les francophones, mais au niveau anglophone je peux recommander Breathwork for Recovery, qui a une approche résolument trauma-informed et très accueillante des personnes ayant des problèmes d’addiction et plus généralement des parcours de vie considérés comme marginaux. J’ai personnellement eu des expériences assez spectaculaires en termes de résultats avec le breathwork, bien que très déstabilisantes au début. Si vous avez un vécu de dissociation sévère, il est possible que même en étant bien accompagné·e, ce soit troublant au début. Les sensations peuvent être intenses. Cependant, une séance de breathwork n’est pas sensée aggraver votre état, au contraire. Des sensations étranges peuvent émerger lors de la séance mais ne durent pas (crampes par exemple), et avec un accompagnement adéquat pendant et par la suite, cela résulte normalement en un mieux-être. Si ce n’est pas le cas, quelque chose cloche dans la qualité de l’accompagnement !
La thérapie de parole
La thérapie de parole est un domaine vaste, et relativement accessible car très courant. Il est possible de consulter des thérapeutes formé·es à différentes spécialités ; il peut s’agir de psychiatres ou non, car l’objectif est de parler et non de prendre des médicaments, même si bien entendu il est possible de combiner les deux modalités de soin. Dans l’ensemble, l’essentiel semble être de trouver un·e thérapeute qui vous permette de vous sentir en confiance un minimum. Si votre thérapeute tient des propos qui sont discriminatoires, je vous encourage vivement à en changer ! Il n’est pas acceptable de devoir se défendre face à des propos sexistes, queerphobes, racistes ou autres dans un contexte thérapeutique. Si vous voulez trouver un·e thérapeute qui ne soit pas dangereux·se pour vous vis-à-vis d’un enjeu spécifique, vous pouvez demander conseil à des pairs, notamment via une association d’usager·es, afin d’avoir des recommandations. Nota bene : il arrive qu’un·e thérapeute soit recommandable sur un point, moins sur un autre. Par exemple, j’ai eu d’excellentes expériences avec un·e certain·e soignant·e, bien qu’étant une personne marginalisée à divers égards. Mais un ami a eu des difficultés avec la même personne, concernant la grossophobie. Je vous invite donc à poser les questions qui vous concernent aux personnes qui pourraient vous donner des recommandations, car les expériences peuvent différer largement. Un·e thérapeute qui est de confiance vis-à-vis de l’homophobie ne le sera pas systématiquement autant vis-à-vis du racisme, par exemple.
L’EMDR
L’EMDR est de plus en plus populaire en ce qui concerne la gestion du trauma. J’avais consacré un article à cette modalité de soin, que vous pouvez lire ici.
Le yoga
Le yoga est une discipline vaste. L’occidentalisation du yoga présente de nombreux écueils, notamment l’emphase sur la pratique posturale (asana), traditionnellement pratiquée pour préparer l’organisme à la méditation, au détriment du reste. Vous trouverez une immense diversité d’approches du yoga ; certaines ne sont pas forcément adaptées au soin post-traumatique. Le yoga est parfois présenté comme la panacée, particulièrement pour les malades chroniques, à tel point que c’en est devenu un meme : “As-tu essayé le yoga ?” est une phrase que toute personne ayant des douleurs chroniques a dû entendre au moins une fois. Le yoga n’est pas accessible pour tout le monde pour une variété de raisons, et cette obstination à préconiser le yoga à tout le monde peut être très agaçante, et parfois décourager des personnes pour qui ce serait effectivement aidant.
Si vous aimeriez essayer le yoga, je vous encourage à chercher un cours qui met l’emphase sur le fait de respecter son rythme, idéalement avec quelqu’un qui sait s’adapter à des fonctionnements différents, par exemple en adaptant les exercices si quelqu’un a une douleur spécifique. Si l’on vous pousse à vous forcer malgré des douleurs aiguës, fuyez : cet·te enseignant·e n’est pas digne de confiance ! Le yoga n’est pas sensé brutaliser votre corps ou votre psyché.
Traditionnellement, les pratiques de yoga s’adaptent aussi en fonction du type ayurvédique de l’individu. Si le sujet vous intéresse, le livre “Le Yoga Ayurvédique” de Camille Deprez est une bonne introduction, avec des suggestions d’exercices non seulement selon les types mais aussi selon les moments de la journée et autres cycles.
Il existe des cours de yoga en ligne adaptés à différentes circonstances spécifiques. Par exemple, Heart de TransYogaTeacher propose des cours pensés pour être soutenants pour les personnes trans en particulier, notamment des exercices post-mammectomie. BlackGirlYoga est une autre initiative mettant l’accent sur l’inclusivité.
Le neurofeedback
Le neurofeedback et sa logique en termes de neuroscience sont décrites en détail par Van Der Kolk dans Le Corps n’oublie rien. Il s’agit d’une pratique non-invasive, où l’on place des électrodes sur le crâne pour capter les ondes cérébrales et en donner une représentation visuelle. Dans le neurofeedback guidé, des exercices simples permettent alors de rediriger les ondes cérébrales de manière intentionnelle, un peu comme si l’on jouait à un jeu vidéo, mais il s’agit généralement plutôt de se concentrer en mettant l’emphase sur une certaine détente. Les résultats sont apparemment assez fulgurants en termes de mieux-être.
En France, je ne suis pas certain que le neurofeedback guidé soit pratiqué. En revanche, le neurofeedback dynamique, qui fonctionne un peu différemment, connaît des adeptes. Dans le cadre du neurofeedback dynamique, des électrodes sont aussi placées, mais le “retour” se fait via l’écoute d’une musique plutôt que par une représentation visuelle. Les distorsions dans la musique, correspondant aux ondes cérébrales, sont quasi-imperceptibles, mais le cerveau s’adapte même si ce n’est pas conscient du point de vue de la personne. Il s’agit surtout pour l’individu de se détendre et de laisser le cerveau faire le travail de manière qui semble automatique. C’est une pratique très calme, qui est parfois préconisée aux personnes âgées qui ont des problèmes cognitifs, mais aussi pour un certain nombre d’autres soucis cognitifs ou psychiques.
Vous pouvez trouver des praticien·nes de neurofeedback en France via l’annuaire gratuit de l’ADNF.
La boxe, le théâtre, la danse…
La boxe et le théâtre, ainsi que d’autres activités communales qui engagent le corps, sont mises en avant par Van Der Kolk.
Bien sûr, la boxe ne sera pas accessible pour tout le monde pour des raisons évidentes. Si la perspective de donner et recevoir des coups (même légers) vous terrifie et vous mettrait en danger physiquement ou psychiquement, bien évidemment ne vous forcez pas ! Un bon cours de boxe est sensé vous permettre de vous protéger tout en apprenant. N’hésitez pas à poser des questions à un·e enseignant·e potentiel·le en amont pour discerner si ce serait adapté pour vous. L’objectif n’est pas de vous faire violence, mais de gagner en confiance en vous.
Le théâtre présente des possibilités extrêmement cathartiques, en permettant de jouer le rôle d’un·e autre, en engageant le corps, la voix, la physicalité, la sociabilité. Cependant, si vous avez des problèmes de dépersonnalisation assez marqués, cela peut aussi être très difficile. Si vous avez l’impression que jouer un rôle est plus susceptible de vous faire perdre pied qu’autre chose, le théâtre n’est peut-être pas la bonne piste à l’heure actuelle ; rien ne vous empêche d’y revenir plus tard, si vous constatez un mieux-être vis-à-vis de cela ! Je vous encourage aussi à faire attention à choisir un cours où vos limites sont respectées, et où l’on ne vous pousse pas à vous donner à l’extrême au nom de l’amour de l’art. Stop à l’injonction à “dépasser ses limites” dans le domaine de la représentation : savoir s’écouter est une vertu, et il n’y a pas besoin de se torturer pour être acteur·ice ou artiste en général ! Sur ce sujet, je vous recommande vivement les réflexions du comédien Alistair Houdayer.
J’ajouterais la danse, et notamment la danse qui se pratique avec un contact avec l’autre (tango, lindy hop, flamenco, etc) comme pouvant faire partie de ces modalités de soin. Là aussi, si vous avez un vécu de trauma relationnel et de dissociation sévère, ça peut être très difficile au début ! Trouver un cours accueillant et où vous pouvez vous sentir soutenu·e est crucial. Pour les personnes queers, il est possible qu’un cours spécifiquement conçu pour être queer-friendly soit proposé quelque part non loin de chez vous. Par exemple, le tango queer dégenre la discipline, permettant à quiconque de guider ou d’être guidé·e, sortant des carcans selon lesquels seul un homme peut guider la danse. Il y est tout à fait possible de s’y rendre avec un ou un·e ami·e pour y être plus à l’aise.
La nage peut aussi être une discipline très intéressante pour des personnes qui ont des soucis de mobilité et des douleurs chroniques liées au trauma ; comme on flotte, la pression sur les articulations est moindre et se dépenser est plus accessible. La pratique de la natation n’est là aussi pas accessible à tout le monde. Dans un contexte pandémique, tout le monde n’est pas à l’aise de prendre le risque de se rendre en piscine municipale. Pour des personnes trans, cela peut aussi poser d’autres problèmes ; mais il arrive que des associations locales proposent des sorties en groupe. Si la natation vous intéresse, n’hésitez pas à vous renseigner sur des initiatives locales, les cours qui existent, etc.
Les modalités présentées succinctement dans cet article n’ont pas prétention à constituer une liste exhaustive. J’espère toutefois que cela présentera des pistes intéressantes et aidantes. Si vous avez des suggestions, n’hésitez pas à les laisser en commentaires ! Tous mes encouragements pour votre cheminement avec le rétablissement.
Bonjour Olivier,
Je suis étonnée de ne pas trouver de référence au travail de Peter Levin ou de Larry Heller. Y a-t-il une raison à cela ?
Merci
Bonjour,
Qui est Olivier ?