#BOYCOTTLesPetitesVictoires

Qu’est-ce que Les Petites Victoires ?

C’est une bande dessinée, un récit autobiographique par Yvon Roy. Son fils est autiste, et pour Roy, c’est la catastrophe, il doit faire le deuil de l’enfant qu’il avait imaginé, son fils ne veut pas faire de câlins, ne le regarde pas dans les yeux, a des troubles de l’attention… Et comme souvent, le parent cherche à modeler l’enfant selon son désir : Yvon Roy pousse son fils à ressembler à un alliste le plus possible.

Je cite : “Je ne veux pas qu’il apprenne à vivre avec son handicap, je veux qu’il apprenne à le surmonter.” On a là une vision très médicale du handicap qui serait une déficience personnelle qu’il faut surmonter. Malheureusement assez typique du discours comportementaliste sur l’autisme.

Yvon Roy déplace les meubles pendant que son fils dort pour le déstabiliser. Le force à faire des câlins quand il est dans un moment très vulnérable. Lui apprend à regarder dans les yeux sous forme de “jeu”, tous les jours, avec une méthode comportementaliste qu’on croirait tirée d’un manuel d’ABA. Roy est a priori opposé au fait de donner un traitement médicamenteux à son fils pour les troubles de l’attention, mais il cède quand il s’avère que cela lui permettrait d’aller à l’école en milieu ordinaire : à aucun moment on ne parle du consentement de son fils. Quand il s’agit de mineur-e-s et de prescription de médicaments, c’est sûr que le consentement éclairé disparaît complètement de l’équation. On peut aussi se demander si l’enfant a eu son mot à dire sur cette histoire qui expose les détails de son enfance.

Ce livre promeut le dressage des enfants autistes. Or, il s’avère qu’une adaptation cinématographique est en préparation.

Nous ne voulons pas un récit de plus par un parent d’enfant autiste avec un discours validiste et abusif — phénomène tellement courant que les autistes anglophones les appellent Autism Parent. Nous déplorions déjà la traduction en français de To Siri, With Love pour la même raison. Pour rappel, le lien entre thérapies comportementalistes type ABA et stress post-traumatique a été établi par de nombreuses personnes autistes.

Des personnes autistes ont lancé le hashtag #BOYCOTTLesPetitesVictoires sur Twitter pour appeler au boycott du film et interpeller les personnes travaillant à son élaboration.

[Edit 6/08/18] Cette vidéo explique un peu plus en détail ce que beaucoup d’entre nous reprochent à la BD.

Voici quelques autres articles par des personnes autistes à ce sujet :

Casthel : https://semnt.wordpress.com/2018/07/25/les-petites-tortures/

Neiiko : http://neiiko.fr/2018/07/autisme-les-petites-victoire-validisme.html

LaFillePasSympa : https://lafillepassympa.com/2018/07/25/cest-quoi-votre-delire-avec-les-calins/

Point vocabulaire

Je vois passer pas mal de discours variés autour des termes “neuroatypique” et “neurotypique” et je voulais faire une petite mise au point.

Logo de l'Autism Network InternationalLe terme “neurotypique” a émergé au sein de Autism Network International (ANI), une organisation de personnes autistes dans les années 90. C’est un mot-valise de “neurologically typical” (neurologiquement typique). Le terme portait une intention satirique : les personnes autistes se voyant constamment désignées avec un vocabulaire très pathologisant, “neurotypique” se voulait une référence à cela, tout comme le terme “alliste” (qui signifie spécifiquement “personne qui n’est pas autiste”) qui apparaît en 2003 avec le texte humoristique d’Andrew Main. L’on disait (et l’on dit toujours) que les personnes autistes n’ont pas d’humour : le terme “neurotypique” était un pied de nez à ce prétendu manque d’humour et à la pathologisation des personnes qui divergent de la norme (autistes ou non).

Le terme “neuroatypique” a émergé comme terme complémentaire, mais n’a jamais vraiment été synonyme de “personne autiste”. Pourquoi l’aurait-il été ? “Autiste” n’est pas une insulte, et les militant-e-s autistes des années 90 le revendiquaient déjà. Il est beaucoup plus logique d’utiliser le terme “neuroatypique” quand on veut inclure des personnes divergeant de la norme mais n’étant pas autistes, que pour désigner des personnes autistes.

Cependant, à l’heure actuelle cette histoire du terme n’est plus très connue, et le terme “neuroatypique” provoque plus de confusion qu’autre chose : certain-e-s l’utilisent pour parler de la population autiste tandis que d’autres l’entendent comme un terme ombrelle plus large. Cela provoque beaucoup de conflits et d’incompréhensions. Le vocabulaire, lorsqu’il provoque plus d’incompréhension que de compréhension, est appelé à évoluer. Il ne sert à rien de s’accrocher à tout prix à un terme pour des raisons historiques quand il n’est plus porteur du sens que l’on souhaite.

J’ai donc pris le parti d’utiliser “neurodivergent-e” pour désigner les personnes qui ne sont pas neurotypiques, car l’étymologie a le mérite d’être, il me semble, claire et logique : il s’agit de personnes qui divergent de la norme. La norme peut évoluer. La norme actuelle est oppressive et exclut. Nous luttons pour que la neurodiversité soit acceptée. Il n’y a pas ainsi pas de confusion sur la personnalité originale ou la stigmatisation de certaines personnes allistes ou je ne sais quel débat stérile qui s’engage souvent quand on utilise “neuroatypique”. Il y a des personnes qui sont jugées acceptables selon une norme et d’autres non ; ce n’est pas un jugement de valeurs de l’originalité des personnes, c’est un constat sur la structure de la société qui valorise certains fonctionnements au détriment des autres.

“Toutes sortes de corps, toutes sortes de cerveaux”

 

J’inclus dans la population “neurodivergent-e” les personnes qui ont des problèmes d’addiction, les personnes avec le syndrome de Down, les personnes ayant un stress post-traumatique, les personnes avec un trouble anxieux ou dépressif, les personnes dites psychotiques, etc. C’est un terme ombrelle : la population sous l’ombrelle est vaste et diversifiée.

 

J’utilise “personnes autistes” pour désigner les personnes autistes, point barre. Il n’y a pas de honte à être autiste. Quand je parle d’une problématique spécifique aux personnes autistes (par exemple, la torture des enfants autistes par Ivar Lovaas dans le cadre de ses recherches ayant mené à l’Applied Behaviour Analysis), je ne vois pas l’utilité d’un autre terme. Si j’utilise “neurodivergent-e-s”, c’est délibéré et cela inclut d’autres personnes que les autistes (par exemple, “les personnes neurodivergent-e-s se voient souvent psychiatriser et interner contre leur gré”).

J’ai vu des critiques de l’utilisation du terme “neuroatypique” comme synonyme de “neurodivergent-e” sous prétexte que cela encourageait à comprendre l’autisme comme une pathologie. Je dois dire que j’aimerais qu’on arrête d’essayer de mettre d’un côté les personnes neurodivergentes “malades” et de l’autre les personnes neurodivergentes “non malades”. Ce réflexe a un fondement validiste. En fait, l’enjeu de la pathologisation n’est absolument pas limité aux personnes autistes. Le militantisme des personnes psychiatrisées contre la psychiatrie répressive et les classifications stigmatisantes a une longue histoire. Par exemple, en France il y a un réseau d’entendeur-euse-s de voix qui mettent en avant que l’entente de voix n’est pas forcément à considérer comme un symptôme pathologique mais peut s’appréhender comme un phénomène porteur de sens pour les personnes concernées.

Pour résumer

Le terme “neurotypique” désigne les personnes qui se trouvent dans la norme actuellement acceptable et qui ne sont pas pathologisées. Le terme “alliste” désigne les personnes qui ne sont pas sur le spectre autistique.

Le terme “neurodivergent-e” est un terme ombrelle qui inclut toutes les personnes divergeant de la norme actuelle.

Le terme “neuroatypique” était un terme ombrelle similaire qui est maintenant utilisé de manière différente, provoquant confusion et incompréhension ; il est donc voué à être remplacé pour une meilleure compréhension.

Si vous voulez mettre en avant que vous êtes neurodivergent-e mais pas malade, merci de le faire sans jeter sous le bus les autres neurodivergent-e-s dans un réflexe validiste.

Autisme : acceptation et non sensibilisation !

Sensibilisation ?

Le concept de “Autism Awareness Month”, le mois de la sensibilisation à l’autisme, a émergé dans les années 70 aux États-Unis. La journée mondiale de sensibilisation à l’autisme est le 2 avril.

L’association française “Vaincre l’autisme” véhicule une approche très pathologisante de l’autisme

La manière dont ces campagnes de “sensibilisation” sont menées a été dénoncée comme déshumanisante par les activistes autistes : on présente l’autisme comme un trouble tragique, on essaye de susciter la peur et la pitié, on récolte des fonds avant tout pour la recherche d’un “remède” plutôt que pour améliorer les conditions de vie des personnes autistes, on promeut des “thérapies” abusives, etc.

Dans le monde anglophone, ce mouvement est porté surtout par Autism Speaks et sa campagne “Light it up blue”.

En France, on voit une approche similaire avec l’association Vaincre l’autisme.

Acceptation !

En réponse à cette “sensibilisation” stigmatisante, dès 2011 s’organise “Autism Acceptance Month”, mois de l’acceptation de l’autisme (on doit l’initiative à l’activiste autiste Paula Dustin Westby).

Le mois de l’acceptation de l’autisme, c’est donc l’occasion de combattre les campagnes de sensibilisation stigmatisantes, informer de manière juste et respectueuse, et célébrer la culture autiste.

Il y a beaucoup de ressources anglophones à disposition sur le sujet, notamment le site http://www.autismacceptancemonth.com Amethyst Schaber a fait une vidéo sur ce sujet qui est très claire (les sous-titres français devraient arriver bientôt !). Vous pouvez aussi explorer les hashtags suivants sur les réseaux sociaux : #AutismAcceptanceMonth,  #ActuallyAutistic, #REDinstead, #NothingAboutUsWithoutUs.

J’avais à cœur de proposer des ressources francophones également, en voici donc :

  • En 2015, Eli a écrit un court texte très clair à ce sujet, que je vous recommande vivement. Voir aussi son blog autiepearl, qui explore notamment l’histoire de l’activisme autiste.
  • Le texte de Jim Sinclair “Ne nous pleurez pas” est emblématique des revendications des personnes autistes face aux discours pathologisants. Il date de 1993, et malheureusement il est toujours d’actualité !
  • Sur Twitter, le compte @RadioAutiste relaie les témoignages de personnes autistes durant tout le mois d’avril. Vous pouvez aussi les retrouver via le hashtag #RadioAutiste.

Je posterai probablement d’autres ressources en lien avec l’autisme durant ce mois ; à tout bientôt !

Une bande dessinée par Calvin Arium

Calvin Arium a fait une bande dessinée qui parle de son expérience avec le stress post-traumatique en tant que personne autiste, et il m’a permis de la reposter ici.
(Voici le post original sur tumblr, si vous voulez l’y rebloguer)

Vous pouvez retrouver Calvin Arium

sur twitter : https://twitter.com/DeadeyeCyborg

sur tumblr : https://calvin-arium.tumblr.com

Spectre Artistique, un collectif d’artistes autistes

Je fais partie d’un collectif nouvellement créé !

Spectre Artistique est un collectif d’artistes autistes de France, de Belgique et de Suisse, un réseau d’entraide et de création commune, un réseau artistique par et pour les personnes autistes, qui célèbre la neurodiversité et combat les stéréotypes déshumanisants.

Vous pouvez lire le manifeste du collectif ici.

Un premier évènement public, Take a walk on the wild spectre, aura lieu à Paris mardi prochain ! Cf affiche ci-dessous, et toutes les infos sont sur le site : https://spectreartistique.wordpress.com/

Invité-e : OH MU

Cet article est un peu différent de d’habitude : j’ai invité une artiste que j’aime beaucoup pour quelques questions et une illustration !

Pour commencer, je lui ai demandé de se présenter avec ses mots :

Je suis Estelle Marchi, a.k.a OH MU, qui mon alter ego sur les internets, mais aussi dans mes bandes dessinées et ma musique. J’ai sorti 2 EPs donc un cette année, je fais des concerts à Paris et dans quelques autres villes, je fais aussi de l’illustration et mon projet actuel en bande dessinée s’appelle “Vagues Survivantes“, un témoignage autobiographique sur la maltraitance et autre violences.

Voici une illustration faite par Estelle tout spécialement pour cet article :

“An alien a bit irritated by us” par OH MU

Vous pouvez suivre son travail et la soutenir sur Patreon !

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Inepties, partie 2 : les étiquettes de fonctionnement

Partie 1 : Syndrome d’Asperger et autisme sévère [ici]

Partie 2 : Les étiquettes de fonctionnement

[Traduction de cet article]

Dans la partie 1, nous avons traité du Syndrome d’Asperger et expliqué que cela n’existe pas. Maintenant, voyons les étiquettes de fonctionnement.

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Inepties, partie 1 : Syndrome d’Asperger, autisme “sévère”

[Traduction de cet article]

Partie 1: “Syndrome d’Asperger”

Si vous connaissez quelque peu l’autisme, vous savez que c’est un spectre. Certaines personnes sont très légèrement autistes, tandis que chez d’autres il s’agit d’autisme sévère. Certaines sont haut fonctionnement ou ont simplement un Syndrome d’Asperger, sont capables de communiquer et de vivre de manière indépendante. Certains sont bas fonctionnement et ont besoin d’aide pour survivre.

J’ai bien peur que tout ceci soit des inepties, et le fait que ces discours soient perpétués fait plus de mal qu’autre chose aux personnes autistes.

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Quelques définitions autour de la neurodivergence

Neurodivergent·e : Un mot « ombrelle » pour quiconque ayant un handicap développemental, intellectuel, cognitif, ou une maladie psychique.

Autisme : Une forme spécifique de neurodivergence, caractérisée par des différences sensorielles, sociales et communicatives, et une variété d’autres traits. L’autisme est classifiée comme un spectre pour indiquer sa tendance à se manifester différemment chez chaque individu autiste.

Psyvalidisme (ou psychophobie) : la discrimination envers les personnes en situation de handicap psy ; s’inscrit dans le contexte plus global du validisme ou capacitisme.

Neurotypique : Ce terme est utilisé pour décrire une personne qui n’a pas de handicap développemental, intellectuel, cognitif, ou une maladie psychique.

Alliste : Quelqu’un-e qui n’est pas autiste (mais qui peut ou non avoir un handicap psychique par ailleurs).

Trouble sensoriel (Sensory Processing Disorder, SPD) : Un état neurologique dans lequel le cerveau n’interprète pas correctement les signaux sensoriels qui proviennent du reste du corps. Les troubles sensoriels (ou différences sensorielles) se manifestent de manières très variées, telles que l’hyporéactivité (le cerveau perçoit moins de stimulation que ce qui a réellement lieu), l’hyperréactivité (le cerveau perçoit davantage de stimulation que ce qui a réellement lieu, ou une combinaison des deux.

Stimming : Un raccourci de “self-stimulatory behavior,” (comportement auto-stimulant), le stimming est pratiqué par tout le monde. Souvent défini comme un « mouvement répétitif utilisé pour la régulation sensorielle », le stimming est en fait une stimulation sensorielle utilisée d’une manière spécifique, que ce soit pour la régulation, l’expression émotionnelle, ou la communication. Quelques formes courantes de stimming chez les personnes neurodivergentes : battre des mains, mouvements rapides avec les doigts, remuer les jambes.

Inspiré de cet article en anglais http://sensorysurvival.tumblr.com/definitions avec quelques modifications.

 

Les différences sensorielles

Encore une traduction, cette fois-ci d’un article de scriptautistic sur les différences sensorielles, que vous pouvez lire en anglais ici.

Vous pouvez télécharger le PDF de cette traduction ici.

Différences sensorielles

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