Le terme de “rétablissement” ici est une traduction de recovery et fait référence au contexte d’une personne ayant un stress post-traumatique. Le terme étant très connoté “guérison”, je me permets de vous recommander ce texte pour contextualiser ce que j’entends par là.
Lors d’un article précédent au sujet des termes “victime” et “survivant·e”, j’expliquais qu’il y avait des idées reçues sur la figure de la “victime de violences”. Il y a ce cliché de la victime prostrée, mutique, blême, pleurant souvent, avec des traces visibles des violences subies… J’ai sans nul doute correspondu à ce cliché à certains moments de ma vie. J’ai pu recevoir de l’aide et cela n’a donc pas duré indéfiniment. Cependant, les violences que j’ai vécues m’impactent toujours au quotidien de différentes manières (cf article sur les stress post-traumatique).
Cela m’amène à parler des étapes du rétablissement (recovery steps) comme définies par la psychiatre spécialisée Judith L. Herman :
1) Sécurité et stabilisation (safety and stabilization)
Les personnes affectées par un trauma ont tendance à se sentir en danger dans leur corps et dans leur relation avec autrui. Regagner un sentiment de sécurité peut prendre des jours ou des semaines pour des personnes avec un traumatisme aigü, ou des mois ou des années pour des personnes ayant expérimenté des traumatismes chroniques/prolongés. Discerner quels domaines de la vie doivent être stabilisés, et comment accomplir cela, aidera à progresser dans le processus de rétablissement. Par exemple :
2) Souvenir et deuil (remembrance and mourning)
Cette étape conduit à gérer le trauma, y associer des mots et des émotions et en faire sens. Ce processus est généralement entrepris avec un·e conseiller·e ou thérapeute en groupe et/ou en thérapie individuelle. Il n’est peut-être pas nécessaire ou indispensable de passer beaucoup de temps sur cette étape. Il est cependant nécessaire de continuer à prêter attention à la sécurité et à la stabilité durant cette phase. Faire attention à la sécurité permet à la personne affectée par le trauma de traverser cette étape de manière à intégrer l’histoire traumatique plutôt qu’en réagissant en “combat, fuite ou sidération” (fight, flight or freeze response).
Le rythme est crucial durant cette étape. Si la personne affectée par le trauma est rapidement submergée et envahie par les émotions lorsqu’elle parle de ses souvenirs traumatiques, la sécurité et la stabilité doivent être retrouvées avant de poursuivre. Le but n’est pas de “revivre” le trauma mais ce n’est pas non plus de raconter l’histoire sans émotions.
Cette étape inclut la tache importante d’explorer, de faire le deuil des pertes associées au trauma et de fournir l’espace pour faire son deuil (ndlt : grieve n’a pas d’équivalent autre que “faire son deuil”, d’où la répétition bien que la phrase d’avant utilise mourning, un autre mot pour exprimer la notion de deuil) et exprimer ses émotions.
3) Reconnection et intégration (reconnection and integration)
Dans cette phase, il doit y avoir création d’un nouveau sens de soi et d’un nouveau futur. Cette tâche finale implique de se redéfinir dans le contexte de relations signifiantes. A travers ce processus, le trauma n’est plus un principe définissant et organisant la vie de la personne. Le trauma devient intégré dans leur histoire de vie mais n’est pas la seule histoire qui les définit.
Dans cette troisième étape du rétablissement, la personne affectée par le trauma reconnait l’impact de la victimisation mais est maintenant prêt·e à prendre des mesures concrètes pour son empouvoirement et sa vie autodéterminée.
Dans certains cas, les personnes qui ont eu des expériences traumatiques trouvent une mission à travers laquelles elles peuvent continuer à guérir et croître, telle que parler à des jeunes, ou devenir mentor. La résolution avec succès des effets du trauma est un testament puissant de la résilience de l’esprit humain.
Le rétablissement est un processus individuel et sera différent pour chacune. Il y a un désir intense de se sentir bien rapidement et les personnes peuvent avoir l’impression que le rétablissement prend trop de temps ou qu’elles ne le font pas correctement. Le rétablissement n’est pas défini par l’absence totale de pensées ou d’émotions à propos de l’expérience traumatique, mais plutôt, être capable de vivre avec de manière que cela ne controle pas votre vie. Il est important d’être doux·ce, patient·e et plein·e de compassion envers vous-même tandis que vous avancez dans ce processus de rétablissement.
Pour conclure cet article je me permets de vous rappeler que le rétablissement n’est pas un processus linéaire, et que ces étapes peuvent fonctionner en cycles pendant un moment (1 – 2 – 3 – 2 – 1 – 2 – 1 – 2 – 3). Il n’y a pas de temps défini pour passer ces étapes ; cela peut prendre quelques mois ou plusieurs années. Cela dépend des expériences traumatiques et des contextes individuels.
Pour les personnes en rétablissement qui me lisent, quelle que soit l’étape où vous vous trouvez, je vous transmets tous mes encouragements.
Bonjour,
Existe-il une traduction du livre de la psychiatre Judith L. Herman que vous conseillez principalement de lire?
Vous dites que vous avez traduit quelques passages. Pouvez-vous les diffuser s’il vous plaît ?
Cela m’aiderait car je ne suis pas bilingue.
Vous êtes plus jeune que moi je pense, heureusement qu’Internet permet de s’instruire et d’être moins éperdument seul•e et désespéré•e face à ces traumas, il n’y a rien de plus difficile surtout lorsque les violences ont commencé enfant, c’est un travail de Sisyphe dont on ne voit pas le bout.
Bien incapable de verbaliser et d’en parler, j’ai passé beaucoup de temps à essayer de comprendre mon état et les psy n’aident qu’épouvantablement peu, je n’en ai jamais trouvé un•e qui me parle de stress post-traumatique complexe, je découvre juste!
Pour ma part, les biographies m’ont beaucoup aidé•e pour un peu moins sombré•e et me sentir moins seul•e.
En vous remerciant beaucoup pour la clarté de votre analyse et la rigueur de vos propos.
Et avec tous mes encouragements également
P. S : Avez-vous des conseils de lectures de livres traduits en français ou écrit•es par des francophones?
Bonjour,
Il n’existe pas à ma connaissance de traduction de Trauma And Recovery de Judith L. Herman, hélas.
Toutes les traductions que j’ai déjà finies sont en ligne !
Je compatis ; j’ai commencé ce blog précisément pour venir en aide à des personnes qui ne sont pas bilingues justement.
Je suis bien d’accord, souvent cela fait penser au mythe de Sisyphe… Les progrès sont parfois lents. Mais petit à petit on voit des améliorations !
En ce qui concerne des recommandations francophones, le livre du Dr Bessel Van Der Kolk dont je parle souvent a (enfin) été traduit ; le titre en français est “Le Corps n’oublie rien”. Il ne me semble pas que le Dr Muriel Salmona ait écrit de livres, mais elle a fait de nombreux articles (pas certain·e que ce soit toujours très accessible, mais cela vaut le coup d’être mentionné). En marge de cela, à part des témoignages par-ci par-là, je n’ai rien en tête. Si j’en découvre, je ne manquerai pas d’y consacrer des articles !
Merci beaucoup pour vos mots encourageants, et je vous souhaite bonne continuation !
Je vous remercie de m’avoir répondue
J’irai acheter le livre que vous mentionnez afin de mieux (me) comprendre.
Pouvez-vous pointer les liens de vos traductions de Judith L. Herman (je ne les trouve pas)?
Vous avez raison pour l’accessibilité des découvertes thérapeutiques/mécanismes psychiques que ce soit de la part de médecin comme le Dr Salmona ou plus généralement provenant de l’univers de la médecine, les descriptions des maladies/symptômes sont assez conceptuelles et cliniques et manquent d’émotionnel et de chaleur humaine, je trouve.
Même si ce discours de non-rejet de la victime et d’effort psychique pour la comprendre est tout à fait le bienvenu 🙂
Bonne continuation également!
Merci merci merci ! Ma psy me parle souvent de ces nom est j’étais révolter effectivement de voir qu’il n’y avait pas de traduction .
Merci infiniment d’aider les gens . Je crois que je suis tomber il y a deux jour sur une vidéo YouTube que vous avez faite .
Je vis les phase 1 , 2 ,3 effectivement tout en essayant de stopper le harcèlement , manipulation et férocités et folies de mes principaux acteurs de mes trauma ( patients ) et ces très dures très dure
Alors merci
Merci pour votre retour Vanessa, je me réjouis que ce soit utile.
La vidéo à laquelle vous faites référence est probablement une d’Alistair HParadoxae dans laquelle j’apparaissais 🙂
Je vous envoie tous mes encouragements pour votre rétablissement !
Bonjour.
Je suis arrivée sur votre blog “de fil en aiguille”, en cherchant des informations pour aider une de mes petites-filles (Maïlia) qui a été victime d’inceste avec son père.. .. . (cela s’est produit il y a plusieurs années, certaines démarches ont été faites)
Il y a très peu de temps que j’ai décidé d’essayer de l’aider car sa maman (ma fille) a ” perdu pied”, elle n’y arrive plus.
Depuis leur déménagement, Maïlia n’a plus un bon suivi psychologique et retombe dans la dépression.. . ..
Je ne sais pas comment m’y prendre, ni à qui m’adresser.. . ..
De lire vos articles, ça me donne quelques pistes.. . .
Savez vous s’il existe un groupe de parole pour les “aidants”, (comme pour les personnes qui accompagnent leurs proches atteints par la maladie d’Alzheimer par exemple) ?? ?
Désolée si mon message est un peu décousu.. . .. . .
Je vous remercie d’avance pour votre attention. Cordialement, Diane.
Bonjour Diane,
Je crois que certaines associations autour de l’inceste proposent des groupes de parole, et il est possible que certains soient dédiés aux proches. Je n’en sais toutefois pas plus, je ne peux pas vous aiguiller davantage. Je vous envoie tous mes encouragements dans vos recherche, et j’espère que Maïlia pourra trouver un accompagnement adéquat.
Bien à vous