Victime ou survivant·e ?

C’est un questionnement que je retrouve souvent dans les cercles de discussions autour du viol en particulier. Quel vocabulaire utiliser pour (se) définir : victime, survivant·e ?

Saia a publié ce mois-ci une vidéo pour expliquer son point de vue à ce sujet.

(la vidéo est en français, des sous-titres français et anglais sont disponibles)

J’ai trouvé la vidéo très intéressante et cela me motive à reprendre cet article, qui traînait dans mes brouillons depuis de longs mois.

Tout comme Saia, je ne m’exprime pas afin d’imposer une norme à ce sujet. J’explique mon ressenti et mes réflexions, mais s’il ne faut dire qu’une chose : je vous invite à laisser les concerné·e·s se définir comme cela leur convient. On ne gère pas tou·te·s nos traumatismes de la même manière.

La plupart du temps, je me définis comme un·e survivant·e, parce que j’ai été victime de divers abus à divers moments, mais j’ai survécu et je continue de survivre et c’est par cette action de résistance continue et actuelle que j’ai envie de me définir aujourd’hui. Je n’aime pas l’idée de me définir continuellement à travers le prisme des crimes de quelqu’un d’autre, et ainsi me retrouver à répéter pour me définir que je suis victime de viol, par exemple. J’ai été victime de viol, en effet, et actuellement, je survis. Me définir aujourd’hui comme victime autrement que dans une référence au passé ne m’aiderait pas à me reconstruire.

Cependant, je ne confère pas au terme “survivant·e” un aspect d’héroïsme ou de dépassement du trauma. Pour moi, il n’y a pas d’idée de “réussite” derrière cet usage — quoique bien sûr on puisse considérer que le simple fait d’être encore en vie est une réussite. Je vois le terme “survivant·e” comme versatile. Cela m’évoque du pouvoir, de la réappropriation de soi, de la persévérance, de la détermination, la chanson des Destiny’s Child, oui. Mais cela m’évoque aussi tous les effondrements liés au trauma, la difficulté à vivre avec des symptômes de stress post-traumatique, tout ce à quoi j’ai survécu. D’ailleurs, le titre d’un des livres de Pete Walker sur le stress post-traumatique complexe est “Complex PTSD : From Surviving to Thriving” ; “De la survie à l’épanouissement”. Le terme de “survivant·e” n’est donc pas pour moi un but à atteindre tant qu’un état de fait relativement neutre (je dis bien relativement, car le fait d’avoir survécu à des violences n’est souvent pas neutre, mais bien un accomplissement en soi).

Que dire de ma réticence à utiliser le terme de “victime” pour me définir au présent ? Comme Saia, mon “statut” de victime a longtemps été nié, et j’en ai souffert. Mais je peine à me réapproprier ce mot, aux connotations extrêmement négatives, pour un usage quotidien me désignant. “Victime” est utilisé comme une insulte, et il semble très difficile de s’en réclamer sans se retrouver confronté·e aux préjugés d’autrui. Il y a une image de la “bonne victime”, la “vraie victime”, et on y correspond rarement, surtout des années après les évènements traumatiques, alors que l’on a développé des stratégies pour survivre (voir s’épanouir). J’ai quelques autres réflexions à partager liées à ce sujet, mais je garderai ça pour un autre article afin de pas allonger celui-ci davantage.

Je soutiens évidemment les personnes qui souhaitent se réapproprier le terme de “victime”, bien que ce ne soit pas mon cas. Comme le dit très justement Saia, c’est vous qui allez à votre rythme et c’est vous qui vous définissez comme vous voulez d’abord”.

Voir aussi : rappel à propos du rétablissement

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