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Traumas religieux et spirituels : définition

Cet article est le premier de ce qui sera probablement une série au sujet des traumas liés à la religion et à la spiritualité.

J’écris cet article de ma perspective de personne qui a vécu des expériences traumatisantes dans le cadre du christianisme. Il est possible (et même probable) que certaines personnes ayant évolué dans d’autres cadres religieux s’y retrouvent sur certains points, mais je ne prétends pas pouvoir parler d’expériences religieuses que je n’ai absolument pas eues.

Bien que le titre de cet article soit général, il s’agit donc tout de même d’un point de vue partiel de toutes les déclinaisons possibles des traumas religieux et spirituels. J’ajouterais que je ne cautionne pas l’instrumentalisation de cet article à des fins discriminatoires vis-à-vis de pratiques religieuses qui n’ont rien d’abusives.

Pete Walker propose cette description des abus spirituels :

“Religious training that says a child is essentially bad, the joys of life are sinful, or God is all about punishment. Beliefs that toxically shame healthy parts of the self, like sexuality or balanced self-interest. Original sin. Eternal damnation. Fundamentalism.”

Enseignement religieux qui dit qu’un enfant est fondamentalement mauvais, que les joies de la vie sont un péché, ou que Dieu n’est là pour que punir. Croyances qui amènent de la honte toxique vis-à-vis de parties saines de soi, comme la sexualité ou un intérêt pour soi équilibré. Péché original. Damnation éternelle. Fondamentalisme.

Pete Walker in The Tao of Fully Feeling, 1995

Le sujet est vaste ; les traumas religieux et spirituels peuvent prendre bien des différentes formes. Certaines personnes subissent des abus physiques qui sont excusés par le biais de la religion. D’autres sont endoctriné·es avec des idées nocives, qui cause des problèmes de santé en leur apprenant à se détester, ne négliger et se faire du mal. Dans certains cas, cela touche à des populations marginalisées par des dogmes religieux : par exemple, le fait d’enseigner que c’est mal de ne pas être hétérosexuel·le et cisgenre, et que les personnes de la communauté LGBTQIA+ iront en enfer. Les “thérapies” de conversion, qui visent à “guérir” des personnes LGBTQIA+, sont des abus religieux.

Le fait de vilifier une autre religion, d’autres traditions spirituelles, et d’évangéliser (= convertir au christianisme) est aussi une violence religieuse, qui a été exercée à grande échelle par les colons et missionnaires. Considérer qu’une tradition religieuse est supérieure à une autre et occulter la richesse culturelle d’autrui n’est pas un comportement respectueux, et ces convictions sectaires ont justifié des génocides. Le fait d’avoir été coupé·e de son héritage religieux et spirituel par des violences colonialistes est aussi un trauma religieux/spirituel.

Être culpabilisé·e et puni·e pour des besoins élémentaires et naturels au nom de la religion est un abus religieux. Être endoctriné·e à ignorer ses propres besoins et intuitions au nom de la foi est un abus religieux. Être exorcisé·e de force est un abus religieux. L’encouragement aux dons financiers excessif est un abus religieux. L’humiliation publique au nom des dogmes est un abus religieux.

De nombreux abus religieux/spirituels concernent la sexualité, par exemple :

  • le contrôle des corps
  • la vilification du sexe comme sale, honteux, comme quelque chose qui sépare et éloigne du divin
  • la naturalisation de l’hétérosexualité
  • l’absence d’éducation sexuelle
  • l’injonction à la virginité et à l’abstinence
  • l’injonction à la “modestie”, avec la culpabilisation à la clé (= il faut se vêtir de manière conservatrice, et si l’on ne le fait pas, alors on ne peut pas s’étonner de subir des violences sexuelles)
  • l’interdiction de se masturber
  • les exigences de confessions détaillées de nature sexuelle
  • l’interdiction de la contraception
  • la glorification de la fertilité comme fonction élémentaire des femmes
  • le déni de violences sexuelles au sein de l’Église

Il est impossible de faire ici une liste exhaustive, mais ce sont quelques pistes pour commencer à réfléchir à ce sujet. Comme je l’ai précisé en début d’article, je prévois d’écrire davantage sur les traumas religieux/spirituels. Si un certain sujet vous intéresse particulièrement, n’hésitez pas à le préciser en commentaires.


Quelques ressources pour aller plus loin :

  • le site Recovering From Religion
  • Empty The Pews: Stories of Leaving the Church, anthologie éditée par Chrissy Stroop et Lauren O’Neal
  • Leaving The Fold, un livre de Marlene Winell
  • When God Becomes a Drug, un livre de Leo Booth
  • Boy Erased, un film qui parle de thérapie de conversion (basé sur un livre de Garrard Conley, mais ne l’ayant pas encore lu je recommande le film !)
  • Les Éblouis, un film de Sarah Suco, inspiré par ses propres expériences dans une secte chrétienne de ses 8 à 18 ans
  • Queer Chrétien·ne est une vidéaste qui, comme son pseudo l’indique, parle d’être queer et chrétien·ne et aborde donc souvent les violences subies au sein de l’église en tant que telle
  • le hashtag #exvangelical est utilisé par les personnes ayant quitté la bulle chrétienne évangélique (certaines personnes sont restées chrétiennes, d’autres non)

4 réflexions au sujet de « Traumas religieux et spirituels : définition »

  1. Salut, c’est la première fois que je commente. Juste, merci pour ton article. ce que tu as cité dans ta liste, il y a certain truc que j’ai vécu comme des violence mais que je ne savais pas si j’étais légitime à les considérer comme telle. En tout cas, Merci ^^

    1. Merci d’avoir pris le temps de commenter ! Tant mieux si l’article est utile. Je compatis pour les violences que tu as vécues, et j’espère que maintenant tu peux évoluer dans un environnement plus bienveillant. Mes encouragements, et encore merci pour ton retour 🙂

  2. Le sujet m’intéresse particulièrement ! Et apparemment je suis encouragé à le préciser en commentaire !

    Ayant grandi dans une famille religieuse (deux parents pasteurs) mais d’une religion très “intello”, qui met en avant le débat, la réflexion critique, le lien personnel à Dieu, et même la dissidence politique, j’étais fascinée par l’idée de manipulation émotionnelle et dynamiques de groupe, que j’étudiais dans les religions, les sectes, mais aussi d’autres mouvements culturels.
    J’avais encore beaucoup d’idées reçues sur d’autres religions, cultures ou mouvements, et une idéalisation du protestantisme (à l’adolescence).

    En apparence, mes parents acceptaient que je ne sois pas d’accord sur les idées, que je ne sois pas croyante non plus, tout en étant intéressée par les valeurs protestantes, l’étude critique de la Bible, et l’étude en général des religions. Si certains sujets n’existaient pas dans ma famille (le corps, la sexualité), j’avais l’impression que c’était plus du fait de leurs histoires personnelles que de la religion, parce que je connaissais d’autres pasteurs très différents, sans tabou, et sex-positive. Puis ma mère s’est engagée pour les droits LGBT+ au sein de l’église protestante, et si mon père n’avance pas sur ses préjugés, c’est surtout lui, pas la religion.

    Je pense que le fait d’être autiste collait bien avec la religion dans laquelle j’ai grandi, très dépouillée, basée sur l’engagement individuel et sans hiérarchies. Au catéchisme, j’ai été extrêmement bien traité, on m’acceptait comme j’étais, avec mes monologues, mes émotions fortes, mes besoins d’expression différents.

    J’ai eu des tas d’intérêts spécifiques liés aux religions, leur pouvoir politique, les dogmes, et les lavages de cerveaux. Par exemple l’étude des mouvements évangéliques sectaires aux USA et qui commencent à arriver en Europe m’a beaucoup occupée à l’adolescence. Ces dernières années ce sont les thérapies de conversion qui sont cycliquement un de mes IS (c’est dur), et toutes les rhétoriques autour de la question du genre et des sexualités.

    Mais cet intérêt pour les religions et le religieux m’a aussi mené à des choses très positives, dans un contexte français où la religion est tabou alors qu’elle fait partie des cultures humaines, et dans un milieu militant de gauche au début de mes études qui était violent et sans nuances envers les personnes assumant une foi (c’était majoritairement des étudiantes musulmanes…). J’ai pu très tôt avoir un autre regard sur des religions, cultures et pratiques mal comprises et mal accueillies en France, comme l’Islam. Essayer de comprendre les nuances, les contradictions en chaque personne, la lutte entre la foi, la volonté de garder une communauté et une culture, tout en souffrant de certaines règles ou croyances.
    Chercher des moyens de parler de religion et de ses problèmes sans rejeter les personnes croyantes et religieuses. J’aime beaucoup Queer Chrétienne pour ça. On manque de ce genre de contenu surtout en français.

    Et en même temps… ces dix dernières années, je fais un travail personnel pour démêler ce qui m’a traumatisée, moi, de mon éducation (religieuse) – qui est en fait les dérives du religieux, la culture calviniste ascétique, au poids moral énorme, dont on dit souvent qu’elle a été la base pour le capitalisme néolibéral. Je ne trouve pas beaucoup de sources là-dessus, parce que c’est quelque chose de différent des violences vécues dans l’église catholique ou les communautés évangéliques. Ce qui est en commun, peut-être, c’est le fait de considérer le corps, les besoins, les choses matérielles, et le plaisir, comme quelque chose d’inférieur, de honteux, de coupable en soi.

    Bref, tout ça pour dire que oui, tellement intéressant, même si sujet extrêmement difficile – et au final, mon commentaire n’aide à rien puisque je n’ai pas pointé vers un sous-sujet particulier, oups ^^’

    1. Merci beaucoup pour ce partage, t’inquiètes, même si c’est pas une liste concise de sujets que tu aimerais voir abordés, c’est intéressant et utile ! Je pense qu’effectivement il y a beaucoup de choses à dire sur la culture calviniste ascétique, ça me parle pas mal. Globalement je me reconnais dans beaucoup beaucoup de choses de ton commentaire. J’aime beaucoup aussi ce que partage Queer Chrétien·ne sur le sectarisme, c’est hyper précieux !

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