Les vraies habiletés sociales

Lorsque l’on se renseigne sur l’autisme, il est courant que l’on entende parler des “habiletés sociales” (en anglais, social skills). Qu’est-ce qui est entendu par habileté sociale ou compétence sociale ? Cela dépend de ce qui est valorisé socialement, évidemment. Et sans surprise, comme le validisme empreigne notre société, les habiletés sociales que possèdent les personnes neurodivergentes sont dévaluées.

J’aime énormément le site Real Social Skills, écrit par une personne autiste, Ruti Regan. Real Social Skills propose des articles sur le thème des habiletés sociales : “Appeler quelque chose facile ne rend pas cette chose facile“, par exemple.

Voici une traduction des premières lignes de la rubrique “FAQ” de Real Social Skills :

Pourquoi ce blog s’appelle-t-il “Les vraies habiletés sociales” ?

“Habiletés sociales” est souvent une insulte qui signifie “enseigner aux personnes handicapées à être vues et pas entendues”. Je me réapproprie cette insulte en prenant “habileté sociale” littéralement. Les habiletés sociales existent vraiment, et il ne s’agit pas de s’effacer dans l’arrière-plan. Les vraies habiletés sociales, c’est apprendre des manières efficaces et éthiques d’interagir avec autrui. Certaines de ces compétences nous permettent d’arrêter d’internaliser le validisme, la misogynie et les autres formes de déshumanisation.

La désobéissance est une habileté sociale

Comme l’indique la bannière de cet article, la désobéissance est une habileté sociale. Il y a bien des situations où il faut désobéir à une personne qui cherche à nous donner des ordres ou nous contrôler. En apprenant à un·e enfant à obéir en toutes circonstances (coucou les comportementalistes validistes), on ne lui donne pas les outils pour se défendre d’abus. En décourageant l’esprit critique face aux conventions sociales, on prépare un individu à accepter des aberrations et à avoir des relations pénibles avec autrui.

Expliciter

Un certain nombre d’habiletés sociales sont enseignées par l’exemple, implicitement, ce qui les rend difficile à apprivoiser pour certaines personnes neurodivergentes, qui auraient besoin d’un manuel explicite, que les choses soient verbalisées, expliquées.

Personnellement j’aurais aimé que l’on m’explique que j’avais des centres d’intérêts inhabituels pour mon âge et qu’infodumper mes petits camarades de CP sur Picasso, l’épidémie de peste noire ou les querelles de la dynastie des Ptolémée en Égypte ancienne risquait de m’isoler. J’aurais voulu que l’on m’explique les oppressions systémiques plus tôt, surtout celles que je ne subis pas de plein fouet.

J’aurais aussi apprécié que l’on me rassure que je n’avais pas à essayer de me conformer à des exigences genrées arbitraires et contradictoires si cela me faisait du mal, et que mon appréciation de moi-même était bien plus importante que l’avis d’inconnu·e·s qui me voyaient comme un bout de viande. Que me sacrifier systématiquement pour autrui en négligeant mes propres limites n’était pas une bonne chose à glorifier. J’aurais aimé savoir que l’hétérosexualité n’était pas obligatoire, quoiqu’en disent les conservateurices, et qu’il était possible d’être ni hétérosexuel·le ni homosexuel·le. J’aurais aimé que quelqu’un m’explique que la qualité la plus importante d’un·e partenaire sexuel·le est qu’iel accepte un “non” sans faire d’histoires. J’aurais aussi sûrement perdu beaucoup moins de temps en appliquant la règle des 300 secondes bien plus tôt (cf 3. de cet article). Beaucoup d’habiletés sociales féministes, en somme.

Adelphes neurodivergent·e·s, quelles habiletés sociales auriez-vous aimé que l’on vous enseigne explicitement ?

Entre adelphes

Lorsque l’on est une personne neurodivergente, on développe rapidement des complexes sur nos habiletés sociales. On se sent nul·le, on internalise ce que les personnes qui nous harcèlent disent de nous.

Fréquenter d’autres personnes neurodivergentes est souvent salvateur, et nous y développons nos compétences sociales de manière qui nous convient. Voici quelques unes des qualités que j’apprécie énormément chez mes proches :

  • ne pas attendre de chacun·e une énergie débordante en toutes circonstances, banaliser le fait d’avoir besoin de se reposer
  • me croire sur parole lorsque je dis quelque chose, ne pas imaginer des sous-entendus à chacune de mes phrases
  • la franchise
  • respecter mes besoins spécifiques sans s’en moquer ou les minimiser (tamiser la lumière, manger tel ou tel aliment, etc)
  • ne pas m’infantiliser ou me sous-estimer parce que je fais preuve d’un enthousiasme qui peut sembler enfantin
  • ne pas donner de conseils que je n’ai pas demandés

Quelles sont les habiletés sociales que vous trouvez précieuse, que vous appréciez chez vous-même ou chez vos proches ? Quelles compétences sociales aimeriez-vous développer ?

P.S. : J’aimerais traduire certaines articles de Real Social Skills. Si vous voudriez aider à la traduction, n’hésitez pas à me contacter !

P.P.S. : La bannière de couverture a été réalisée par le talentueux artiste autiste Isaac, ItsIsaacInk

2 réflexions au sujet de « Les vraies habiletés sociales »

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