La neurodivergence ne fait pas de nous des êtres de lumière

Depuis des années que je vois circuler des gens discourir autour de la neurodivergence sur Internet, il y a un certain type de propos récurrent qui m’agace énormément, qui consiste à essentialiser les personnes neurodivergentes comme naturellement plus éthiques, plus compétentes, plus droites, plus avisées.

Un exemple récent côté anglophone : “Ah nous les neurodivergent·es, la machine à propagande ne fonctionne pas sur nous” .

Complètement aberrant. L’une des réponses résume bien le problème :

Traduction : “Eh?? Les personnes neurodivergentes sont tout aussi sensibles à la propagande que les personnes neurotypiques. Croire que l’on est immune à la propagande parce que l’on a un TDAH, des TOCs, de la schizophrénie, dyslexie, épilepsie, ou toute autre forme de neurodivergence est extrêmement délirant et, de manière plus importante, c’est dangereux !”

Bon, déjà, généraliser sur ce que les personnes neurodivergentes sont capables de faire ou non me semble douteux. C’est un terme-ombrelle au sein duquel il y a une immense diversité.

Donc par exemple, dire “Certaines personnes neurodivergentes sont hypersensibles à la lumière et ne supportent pas les néons” est une généralité qui se tient. Dire “Les personnes neurodivergentes sont hypersensibles à la lumière et ne supportent pas les néons” est en revanche à côté de la plaque. Je connais des personnes neurodivergentes qui n’ont pas ce problème spécifique. On n’a pas tou·tes les mêmes particularités. Il y a des personnes neurodivergentes qu’on pourrait décrire comme hyposensibles à certain stimuli là où d’autres y sont hypersensibles, tout comme il y a des personnes neurodivergentes discrètes et introverties, et d’autres exubérantes.

En ce qui concerne la propagande, eh bien, être neurodivergent·e ne fait pas de nous des êtres de lumière. Comme n’importe qui d’autre, on a continuellement du travail à faire pour cultiver notre relation au monde qui nous entoure de manière fonctionnelle. On ne naît pas avec le cerveau câblé sur une vision du monde éthique.

Dans un contexte de banalisation du fascisme, il me semble crucial d’être lucide sur ce point ; et je pense qu’on a mieux à faire que se gargariser sur une supposée supériorité éthique, car ça aussi, c’est faire le jeu de cette idéologie meurtrière qui cherche à diviser. Si l’on ne croit pas au potentiel que peut avoir autrui de changer et d’aller vers des actions plus solidaires, à quoi bon ?

(Je me rends compte que ce propos peut paraître naïf, et je ne suis pas en train d’encourager à accorder le bénéfice du doute aux fascistes, évidemment. Mais verser dans une logique carcérale dans toutes nos interactions, considérer les gens comme jetables à partir du moment où ils n’ont pas déjà tout compris, ça ne nous aidera pas à lutter contre la fascisation.)

Je sais que c’est souvent difficile d’accéder à une meilleure estime de soi après avoir subi énormément de dévalorisation du fait de sa neurodivergence. Mais surcompenser en s’affirmant mieux que les autres du fait de la neurodivergence est bancal. À vrai dire, je pense qu’on peut raisonnablement arguer que certaines personnes sont plus susceptibles à la propagande fasciste du fait de leur neurodivergence. Ce n’est pas pour rien que les sectes visent les personnes traumatisées et déjà un peu isolées… !

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