Au vu des discussions autour de #BOYCOTTLesPetitesVictoires, il semblerait qu’il y ait besoin d’enfoncer quelques portes ouvertes au sujet de la parentalité et de l’autisme.
Voici donc quelques mises au point pour les personnes qui nous prêtent des intentions que des camarades autistes ayant lancé le boycott et moi n’avons jamais exprimées :
Être parent d’un enfant autiste n’est pas facile
On passe beaucoup de temps à expliquer qu’on vit dans une société validiste qui considère les personnes handicapées comme inférieures, et qu’on doit se battre ne serait-ce que pour avoir le droit de vivre dignement. On sait que c’est difficile d’obtenir des droits élémentaires. On sait aussi qu’être parent d’un enfant valide est un sacré challenge. On se doute bien qu’être parent d’un enfant handi est épuisant parce que c’est une lutte acharnée pour que l’enfant ait ce dont iel a besoin.
Cependant, les discours qui présentent l’enfant autiste comme un fardeau et une mauvaise nouvelle parce qu’iel est autiste, et pas parce que la société est validiste et rend cette parentalité plus difficile, oui, ça nous dérange. Il y a des choses qui ne sont pas inconcevables en soi mais qu’il serait préférable d’aborder en thérapie ou dans des groupes de paroles, et pas dans des livres que les personnes autistes vont lire, et qui seront utilisés pour représenter l’autisme (“je dois faire le deuil de mon enfant, j’ai du mal à lui dire qu’il est fantastique”). Tout simplement parce que c’est super violent de s’entendre dire qu’on est des mauvaises nouvelles pour nos parents, et parce que la société validiste nous accable déjà suffisamment. Il me semble tout à fait logique que les parents aient besoin d’être épaulé-e-s, mais cela ne doit pas peser sur les enfants.
Ce serait vraiment chouette si les parents pouvaient prendre du recul et se rendre compte qu’on ne les attaque pas personnellement en tant que parents d’enfants autistes et qu’on ne cherche pas à minimiser les difficultés rencontrées parce qu’on critique un parent d’enfant autiste qui a des discours validistes. On lutte contre le validisme qu’il soit structurel (dans les lois, les institutions) ou dans les discours interpersonnels. Si une personne elle-même autiste tient des propos validistes, le fait qu’elle soit autiste ne l’exemptera pas de prendre ses responsabilités. Je ne vois pas pourquoi on épargnerait une remise en question à des parents sous prétexte qu’iels sont parents et que c’est compliqué.
Je trouve regrettable que certains parents nous prennent pour leurs ennemi-e-s parce qu’on dénonce le validisme de certain-e-s. On nous a reproché de vouloir laisser les enfants autistes livré-e-s à elleux-mêmes sans aucun accompagnement, bien qu’on n’ait jamais argumenté pour cela. On nous a dit qu’on ne valait pas mieux que l’approche psychanalytique de l’autisme, bien qu’on y soit farouchement opposé-e-s. On nous a dit qu’on ne savait pas de quoi on parlait parce qu’on présupposait que nous étions “autistes Asperger”, sous-entendant que notre handicap est dérisoire et qu’on ne saisissait pas les enjeux. On nous a dit qu’on devrait passer du temps avec leurs enfants et que ça nous “ferait les pieds”, ce qui nous a un peu déconcerté-e-s : c’est donc considéré comme une punition ou une menace de passer du temps avec des enfants autistes ? On nous a dit qu’à cause du mouvement pour la neurodiversité les enfants avec un diagnostic de syndrome d’Asperger se voyaient refuser des aménagements. On nous a aussi ordonné d’afficher nos diagnostics, et quelqu’un a même écrit que nous mériterions un coup de fusil.
L’autisme est un handicap
Alors, que ce soit clair : nous sommes scandalisé-e-s que des personnes avec un diagnostic de syndrome d’Asperger se voient refuser des aménagements et des soins dont iels ont besoin. Ce ne sont pas les revendications de la plupart des personnes se réclamant de la neurodiversité. On est tout à fait disposé-e-s à amplifier les voix de parents qui galèrent à cause du validisme structurel. Notre but n’est pas de prétendre que l’autisme n’est pas un handicap, mais de faire en sorte que la société soit inclusive et accessible à tou-te-s, sans hiérarchisation sous prétexte de handicap. Nous avons donc a priori un but commun avec la plupart des parents d’enfants autistes.
Dans beaucoup de cas, toute l’énergie dépensée à se quereller sur des malentendus pourrait être redirigée pour travailler ensemble à obtenir des droits, mais nos interlocuteur-ices semblent persuadé-e-s que cela ne nous intéresse pas, j’ignore pourquoi.
Si vous pensez que les enfants autistes doivent être dressés pour ressembler à des allistes à tout prix, on risque de ne pas s’entendre sur un certain nombre de sujets, en effet. Mais si votre objectif est avant tout que votre enfant autiste obtienne des droits, ait les aménagements dont iel a besoin, développe des outils qui favorisent son autonomie et son épanouissement, il y a clairement une convergence, et ce serait opportun de cesser de nous considérer comme des obstacles à cela.