Pourquoi porter un masque en 2025 ?

Ces derniers mois, j’ai eu beaucoup de conversations avec mes proches au sujet du port du masque, et plus généralement des précautions sanitaires basiques qu’il est possible de prendre au quotidien pour éviter la propagation de virus. Cet article explique mon approche du sujet, et se penche sur différents arguments qui peuvent émerger lors de telles discussions.

“Tu n’es plus obligé de porter un masque, tu sais”

J’ai souvent entendu cette phrase ou une variante, dans un bon nombre de situations ; en rencontrant les parents de mes ami·es, en allant chez le médecin, etc.

Je suis parfaitement au courant que rien ne m’oblige légalement à porter un FFP2 en espace clos à l’heure actuelle : je le vois bien, quasiment personne d’autre ne le fait.

Mais si demain l’obligation légale de mettre une ceinture de sécurité en voiture cessait d’exister, est-ce que j’arrêterais de la mettre pour autant ? Non. C’est du bon sens.

De la même manière, à l’heure actuelle c’est du bon sens de prendre une précaution basique pour me protéger et protéger les gens que je côtoie d’un virus mortel, dont les conséquences à long terme peuvent être très graves.

Bien qu’il ne s’agisse pas d’une obligation légale, c’est une inclinaison éthique qui m’y pousse, au-delà de l’auto-préservation.

“Non mais le Covid-19 c’est juste une grippe, rien de grave”

Alors déjà, la grippe tue trois fois plus que les accidents de la route chaque année, donc mauvais exemple. La grippe c’est souvent une semaine alité·e avec de la fièvre, et quatre semaines pour s’en remettre. Je ne sais pas vous, mais moi j’ai autre chose à faire que de choper une grippe, si je peux éviter.

Ensuite, non, le Covid-19 n’est pas une grippe, et le prétendre est un déni des données dont on dispose à l’heure actuelle ! S’il fallait comparer le Covid-19 à une autre pandémie, le VIH semblerait plus approprié, car le Covid-19 attaque l’immunité. Son influence ne se réduit pas à la sphère ORL, les symptômes sont assez variés (troubles respiratoires mais aussi digestifs, vasculaires).

C’est bien une maladie grave, même si le degré de gravité à court et à long terme peut varier d’une personne à une autre.

“On a un vaccin contre le Covid-19, donc ça va, pas besoin de masquer”

Ah. On va faire comme si tout le monde était à jour de vaccin en ce qui concerne le Covid-19 ? Parce que j’ai bien l’impression que la majorité des gens se préoccupe trop de faire comme si cette pandémie n’avait jamais existé pour penser à faire son rappel.

Par ailleurs, une certaine portion de la population ne peut pas faire de vaccin, soit pour raison médicale, soit par difficulté d’accès. Certaines personnes refusent aussi de le faire, et on peut en penser ce qu’on veut, pester ou les blâmer, ça ne change rien aux faits : tout le monde ne dispose pas de couverture vaccinale. C’est une bonne chose que nous ayons des vaccins, certainement, mais ça ne suffit pas pour arrêter de prendre des précautions type masques, purificateur d’air, etc.

Le vaccin réduit la gravité des effets, mais ne fait pas disparaître la possibilité d’attraper ou de transmettre le Covid-19… Autrement dit, oui, moins de risque d’en mourir, mais ça ne garantit pas d’en ressortir indemne.

Le vaccin n’a jamais ôté la nécessité de porter un masque, ce sont deux mesures différentes avec des objectifs et des fonctions différentes, même si les deux visent in fine à soutenir la population face aux dégâts du Covid-19.

“J’ai déjà eu le Covid-19 donc c’est moins grave si je l’ai à nouveau”

Piiiiiire argument. L’idée selon laquelle le fait d’avoir déjà eu le Covid-19 le rendrait moins grave est une CONTRE-VÉRITÉ extrêmement dangereuse. Plus on l’attrape, plus on a de chances de développer des séquelles au long terme, autrement dit être malade chronique. C’est le contraire de ce que la plupart des gens affirment et je trouve on ne peut plus alarmant que la désinformation règne sur ce point !

Ce n’est pas une maladie avec laquelle on bâtit une immunité d’une fois sur l’autre, attraper le Covid-19 n’est pas la même chose que faire un vaccin. Si l’on a déjà eu le Covid-19 une ou plusieurs fois, on a d’autant plus intérêt à se protéger parce que ça rend plus à risque !

“Ça ne sert à rien de masquer, de toute façon tout le monde attrape le Covid-19 tôt ou tard”

Cette mentalité “foutu pour foutu” est d’un nihilisme navrant ! À ce compte-là autant s’allonger et attendre la mort, si on n’essaye même pas de rendre nos vies un peu meilleures ?

J’ai passé trois ans sans attraper le Covid-19, juste en portant le masque et en évitant les lieux de transmission accrue. Je connais d’autres personnes qui ont fait de même. Là où certaines personnes l’ont attrapé cinq ou six fois, d’autres ont pu réduire cela à une ou deux fois ; et comme mentionné plus haut, cela fait une différence sur les conséquences à long terme !

Tout le monde n’a pas la possibilité de réduire ses prises de risque du fait d’obligations de travail, etc. Mais porter un masque fait une différence, même si on ne le porte que dans certains contextes faute de mieux.

Étant donné qu’on ne bâtit pas davantage d’immunité (ni individuelle ni collective) en l’attrapant, on n’a aucun intérêt à ne pas limiter la propagation.

Quand bien même cette déclaration serait vraie… On pourrait aussi porter un masque juste pour éviter de filer un rhume, une grippe, une gastro aux autres personnes dans le métro non ?

“C’est inconfortable de porter un masque”

Oui, ça je suis d’accord. Porter un masque est inconfortable et globalement assez désagréable, surtout quand on essaye de (re)prendre l’habitude. Ça fait un truc de plus dont il faut se souvenir, qu’il faut éviter d’égarer, qu’il faut acheter, qu’il faut enlever et remettre à intervalles réguliers, etc etc. Oui c’est relou, je ne vais pas vous mentir !

Mais c’est vraiment un cas de figure où il s’agit de voir plus loin que la gratification immédiate. Pour reprendre l’exemple de la ceinture de sécurité, je ne vais pas décréter que je ne vais pas la mettre juste parce que j’ai des ballonnements… Et en l’occurrence il s’agirait seulement de ma survie personnelle. Les implications du masque sont aussi collectives.

J’ai trouvé quelques angles d’attaque qui me rendent le port du masque plus facile. Déjà, cesser d’y penser comme une corvée et voir ça comme une opportunité de solidarité et d’antifascisme, ça fait une grosse différence. Je pense aux personnes particulièrement à risque que je vais peut-être croiser, pour qui sortir est d’autant plus dur, et j’espère que me voir porter un masque même si je ne suis pas visiblement en situation de handicap pourra être encourageant, ne serait-ce qu’un peu.

De manière plus triviale, me procurer de jolis masques fait aussi une différence de taille. Il y a moins de choix en FFP2 qu’en ce qui concerne les masques en tissu (qui ne sont pas recommandés car cela ne protège pas du Covid-19, mais si c’est ça ou rien alors oui évidemment il vaut mieux en porter), mais on peut tout de même en trouver des colorés qui égayent la tâche. J’aime bien assortir les couleurs à mes vêtements et à mon humeur du jour. J’ai d’ailleurs reçu des compliments sur un masque rouge vif la dernière fois que j’ai voyagé ! La différence de prix n’est pas énorme, et ça vaut le coup de dépenser un petit peu plus pour se sentir mieux au quotidien.

Tout n’est pas toujours fonction de l’état d’esprit, mais pour le port du masque et globalement pour l’implémentation de mesures d’accessibilité, oui, “changer de regard” c’est utile. Au lieu de voir le port du masque comme une corvée, ça aide d’essayer de considérer cela comme un acte de soin communautaire.

“Je masque à l’hôpital et en EHPAD mais c’est tout”

C’est ce que m’a dit quelqu’un de mon entourage : dans les environnements où il est évident que ça risquerait de filer le virus à tout le monde et très probablement de causer des décès, masquer est une évidence, mais le reste du temps, l’envie de ne pas s’embêter prend le dessus.

Je pense que ça vaut le coup de considérer que masquer seulement dans ce type d’environnements médicaux et institutionnels signifie que l’on considère normal de confiner les personnes fragiles, de les mettre explicitement à part de la société. C’est une manière de penser fondamentalement validiste, qui ôte de l’autonomie aux personnes handicapées.

Tout le monde devrait avoir le droit de contribuer à la société, à y évoluer aussi librement que possible sans craindre pour sa vie. Demander aux personnes “fragiles” de se sacrifier pour que le reste des gens puissent être plus confortables, c’est quand même assez aberrant quand on y pense, non ?

In fine, on retombe très vite sur une logique eugéniste : certaines personnes méritent des droits plus que d’autres, et ce serait acceptable de jeter les plus faibles sous le bus. Il me semble assez crucial de résister à ces tendances, d’autant qu’on sait où ça mène, surtout dans un contexte fascisant !

“Porter un masque, c’est incompatible avec cette activité”

Je discutais avec quelqu’un d’un loisir récemment, et la personne me disait qu’elle ne se voyait pas porter un masque durant cette activité. Je comprends ! Parfois c’est vraiment un obstacle majeur à ce qu’on essaye de faire.

Par exemple, lorsque je rentre de voyage après une prise de risque, je masque pendant quelques jours dans toutes les parties communes afin de ne pas risquer de contaminer la personne avec qui je vis ; donc, si je cuisine, je le fais en portant un FFP2. Et c’est assez pénible ! Je ne peux pas bien sentir ce que je fais, ni goûter. Mais ça reste faisable. Ce n’est pas ma préférence, mais c’est tout à fait gérable de faire comme ça durant quelques jours avant de faire un test.

En ce qui concerne un loisir en groupe, il me semble aussi que parfois on manque d’imagination. La plupart du temps, il serait faisable de masquer une partie du temps, et c’est tellement mieux que rien pour réduire la propagation dans l’air ! Il est aussi possible de bien maintenir le réflexe d’aérer, peut-être de faire tourner un purificateur d’air…

Le masque est généralement la manière la plus accessible de limiter la contamination mais il y a aussi d’autres mesures complémentaires. Il est bon d’adopter une conduite de réduction des risques plutôt qu’un perfectionnisme qui mène à ne rien faire !

Si la majorité des gens se remettait à porter un masque ne serait-ce que juste pour faire ses courses, pour les rendez-vous médicaux, à la pharmacie et dans les transports, on serait déjà tellement mieux.


Cet article est loin d’être exhaustif, mais je voulais explorer les éléments de discussion les plus récurrents autour de ce sujet ; peut-être que j’écrirai un autre article ou plusieurs pour développer.

Il n’est jamais trop tard pour recommencer à porter des masques ! Trouvez un mask bloc près de chez vous ici si besoin.

Quelques liens potentiellement utiles :

Contrer le fascisme avec un geste simple

Saviez-vous que les études sur la pandémie de grippe de 1918 montrent une corrélation avec la montée du fascisme au cours des décennies suivantes ?

Emphase mienne :

La pandémie de grippe de 1918 a tué environ 50 millions de personnes, soit plus que le nombre de morts pendant la Première Guerre mondiale. Cette pandémie incontrôlée a alimenté l’importance croissante de la pseudoscience de l’eugénisme, l’idée selon laquelle les humains peuvent améliorer leur patrimoine génétique en facilitant la reproduction des “désirables” et en empêchant la reproduction des “indésirables”. La logique inhérente à l’eugénisme est que certaines personnes valent moins que d’autres et méritent donc d’être sacrifiées. La pandémie de grippe de 1918 a facilité l’acceptation généralisée de ce calcul. La législation eugéniste s’est multipliée dans les années qui ont suivi, notamment les lois sur la stérilisation forcée dans plusieurs États américains. Le raisonnement eugéniste a alimenté les mouvements fascistes des années 1930 et 1940. L’idéologie d’extrême droite consistant à faire des indésirables des boucs émissaires et, à terme, à chercher à les exterminer était une extension de l’acceptation d’une hiérarchie de l’humanité. En effet, une étude a montré qu’en Italie, chaque décès pour mille dû à la grippe de 1918 dans une région donnée correspondait à une augmentation de 4 % de la part des voix du parti fasciste en 1924. Une autre étude a noté une association similaire dans les schémas de vote allemands en 1932 et 1933.

Shira Lurie pour Rabble, “History shows that pandemics lead to fascism”, 18 novembre 2024 (source)

Une pandémie est un évènement traumatisant de masse. Outre les séquelles physiques de type long COVID-19 dans le cas de la pandémie actuelle, les conséquences à long terme de traumas sont multiples, particulièrement lorsqu’il n’y a pas eu d’accompagnement efficace. La littérature sur le stress post-traumatique souligne l’importance du soutien que reçoivent les survivant·es, particulièrement dans une dynamique communautaire positive. Autrement dit, plus on est isolé·e pendant et après un évènement traumatique, plus on est à risque de développer des symptômes de stress post-traumatique.

Vous voyez sans doute où je veux en venir. Bien sûr, l’isolement stratégique fait dans une certaine mesure partie des éléments requis pour combattre la pandémie : confinement, distanciation sociale. On ne peut pas y couper, en quelque sorte. Cependant, il y a toujours moyen de contourner certains obstacles pour quand même se soutenir et ne pas sombrer dans un hyper-individualisme mortifère ; et c’est là qu’à l’échelle collective, nous échouons assez gravement.

En effet, le capital a été priorisé, les personnes les plus vulnérables sont jetées sous le bus. Nous n’avons toujours pas de remède avéré contre la pandémie toujours en cours, seulement des vaccins ; nous ne savons pas exactement quelles seront les séquelles de long terme pour de multiples infections mais les informations dont nous disposons ne permettent pas l’optimisme… Et pourtant, on se comporte comme si la pandémie n’était plus un problème. C’est un évènement handicapant de masse, et c’est aussi une pandémie qui a accru les inégalités de manière criante. Les ultra-riches se sont enrichis, transformant une plaie internationale en une opportunité d’exploiter davantage. Plus décevant, la population a dans l’ensemble accepté de souscrire à une idéologie eugéniste : “Après tout, ça affecte les plus à risque qui n’ont qu’à rester chez eux, pour moi c’est bon, je peux sortir sans précautions”. Autrement dit, tant pis pour les faibles, mais moi j’ai autre chose à faire que me préoccuper de la santé publique. On est pas bien là ?

En effet, à l’heure actuelle, la vie a repris son cours “normal” pour la plupart des gens. Je ne vois que très rarement des gens portant des masques dans les transports ou à tout autre endroit. Même dans des milieux qui se considèrent militants et qui affichent une préoccupation pour faire des “safer spaces“, personne ou presque ne porte de masque. Pourtant, on sait que la moitié des contaminations se font via des personnes asymptomatiques, donc attendre de se constater malade pour masquer est absurde.

C’est inquiétant au-delà du simple fait que c’est eugéniste et dangereux. Cette acceptation, cette banalisation généralisée d’une posture eugéniste, révèle que les gens sont prêts à prioriser leur confort et nier l’évidence, accepter des contre-vérités et souscrire à des idéologies fascistes si cela permet de ne pas trop se poser de questions dérangeantes.

La bonne nouvelle, c’est qu’il n’est jamais trop tard pour remettre un masque si vous avez arrêté. Il n’est pas inutile de mettre un masque, et masquer un peu est mieux que pas du tout. Même si vous ne masquez que dans les transports, à la pharmacie et en faisant les courses c’est déjà un progrès. Les personnes à risques aussi ont besoin de se déplacer, d’acheter des médicaments et à manger !

Si vous êtes inquiet·e de la montée du fascisme et que vous ne savez pas quoi faire de concret, vous pouvez faire quelque chose de relativement simple : acheter des masques et reprendre l’habitude de porter un masque au quotidien autant que possible. Vous pouvez peut-être trouver un mask bloc local pour faire un achat en groupe et trouver des conseils fiables, si besoin. Ce site propose régulièrement des promotions.

Porter un masque c’est mitiger les risques pour tout le monde et notamment les plus vulnérables : un acte solidaire concret. Ce n’est pas symbolique, ce n’est pas théorique, c’est réel et ça a de multiples impacts positifs. Vous protégez votre santé, celle des autres. Vous aurez aussi probablement des conversations autour de ça et l’opportunité de déclarer explicitement votre solidarité pour les personnes les plus à risques : il arrive semi-régulièrement qu’on me demande pourquoi je porte un masque. Vous pratiquez la résistance à une dynamique d’apathie et de cruauté de masse. En portant un masque vous pratiquez des compétences qui sont utiles plus généralement pour lutter contre le fascisme.

“Le masque sauve des vies” image via Mask Bloc Bdx

Pour rappel, les masques chirurgicaux légers de type IIR ne protègent pas face au COVID-19 ; c’est mieux que rien, mais ce n’est pas une protection suffisante. Les FFP2 et FFP3 sont à privilégier.

J’ajouterais que choisir des couleurs qui vous plaisent, ça peut faire une différence non-négligeable au quotidien. Ça reste souvent laborieux et désagréable de porter un masque, surtout lors de longs trajets, et porter une couleur qui vous met de bonne humeur c’est un gros plus !

Quelques liens potentiellement utiles :

Le modèle de l’emmental appliqué à la prévention, par le virologue Ian M McKay, traduit et mis à jour par Marie-Aude Visine